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Alain Bombard, le naufragé volontaire de l'Atlantique

Alain Bombard, le naufragé volontaire de l'Atlantique

En 1952, le médecin Alain Bombard a effectué une traversée en solitaire de l'océan Atlantique dans l'optique d'étudier la survie en mer. Retour sur l'histoire de ce naufragé volontaire à bord de «l'Hérétique».

Par Romane Sauvage - Publié le 19.01.2023
Départ de " L'Hérétique " à Monaco - 1952 - 00:48 - vidéo
 

L'ACTU.

Elvis François, naufragé dominiquais en mer des Caraïbes, a survécu 24 jours avant d'être sauvé à la mi-janvier, par la marine colombienne. Il dit avoir survécu grâce à une bouteille de ketchup, de la poudre d’ail et des cubes de bouillon.

LES ARCHIVES.

L'exploit d'Elvis François aurait sûrement inspiré Alain Bombard. Ce médecin et chercheur français, né en 1924, est connu pour avoir traversé l'Atlantique sur un canot pneumatique, sans eau ni nourriture. Son expérience, menée en 1952, avait pour objectif d'étudier les conditions de survie en mer.

Dans un ouvrage intitulé Naufragé volontaire, il raconta comment il avait, en tant que jeune médecin à l'hôpital de Boulogne-sur-Mer, assisté à l'arrivée des corps des victimes d'un naufrage dramatique, celui du chalutier « Notre-Dame de Peyragudes ». Il s'attacha alors à étudier les possibilités de survie en mer, avec une théorie : il est possible de survivre plusieurs jours sans eau potable ni nourriture, mais avec un matériel adéquat et des consignes claires qui éviteraient que les « naufragés meurent de désespoir ».

Alain Bombard devint naufragé

Pour convaincre les autorités et le grand public, du bien fondé de cette théorie, Alain Bombard entreprit donc d'expérimenter lui-même le naufrage. Lancé à bord de son canot pneumatique, nommé « L'Hérétique » en référence au scepticisme auquel il faisait face, les « Actualités françaises » suivirent le parcours de ce naufragé volontaire.

« Le panaméen Palmer et le français Bombard vont, sur ce simple esquif, sans d'autre auxiliaire qu'une voile, tenter de prouver que des naufragés peuvent survivre sur un radeau à condition de savoir tirer parti de la mer qui les entourent. » Dans cette première archive datée de mai 1952 et présentée en tête d'article, le médecin était sur le départ, en compagnie de Jack Palmer, un marin anglais, qui devait l'accompagner. Avec eux, ils n'emportaient rien d'autre qu'« un attirail complet de pécheur et la méthode adéquate pour rendre l'eau de mer potable. » Et un espoir : que cet exploit « s'il réussit, sauvera peut-être dans l'avenir des centaines de vies humaines. »

Malheureusement, le compagnon de route du médecin dut quitter l'aventure en cours de route. Ce fut donc seul que dans l'archive ci-dessous, les « Actualités françaises » le retrouvèrent, en escale au Maroc : « le docteur Bombard, le naufragé volontaire de l'Hérétique est arrivé sain et sauf à Casablanca. Comptant survivre avec le seul secours des produits de sa pêche, le passager solitaire est aussitôt reparti pour les Canaries avant de tenter ensuite le grand saut jusqu'à Cuba. On ne peut que lui souhaiter bon vent ! » Car le gros de l'expérience devait avoir lieu entre les îles espagnoles et Cuba, lieu prévu pour l'arrivée.

Casablanca : avec l'Hérétique
1952 - 00:21 - vidéo

80 jours seul en mer

« Plus de 7000 kilomètres sur un radeau pneumatique, plus de 80 jours seul sur l'océan », le médecin se lança dans sa traversée de l'Atlantique. L'archive ci-dessous, qui retraça a posteriori le parcours du naufragé volontaire, commentait : « C'est alors que commence pour Bombard la véritable expérience, vivre par la mer et par elle seule, boire un peu d'eau, se nourrir de poissons péchés au harpon ou de plancton. »

25 mai 1952 : Alain Bombard
1965 - 03:05 - vidéo

Au cours de sa traversée, Alain Bombard du faire face à plusieurs obstacles, énumérés par le commentaire : « plus que les problèmes de nutrition, ce sont les conditions de vie qui vont être pénibles. D'abord, il doit subir une tempête qui remplit le bateau, l'eau salée lui attaquera les pieds, mettant les chairs à vif. Après la tempête, des alternances de températures diurnes et nocturnes qui lui donne des écarts de plus de 40 °C et contre lesquelles il n'est pas protégé. Il s'affaiblit, sa tension artérielle baisse dangereusement. Il s'en rend compte et rédige un testament qu'il glisse dans une bouteille. »

Mais le médecin poursuivit sa route et croisa même un bateau anglais, dont les marins lui proposèrent de poursuivre le voyage à leur côté. « Mais Bombard refuse d'abdiquer ainsi, disait le commentaire sur un ton épique, il regagne l'hérétique te poursuit sa route. Le 22 décembre, le navigateur solitaire s'échoue sur une plage de la Barbade. Alain Bombard vient de réussir une éclatante démonstration. » L'expérience réussie, malgré la perte de près de 25 kg, il fit un retour triomphant en France au tout début de l'année 1953, immortalisé dans l'archive ci-dessous.

Alain Bombard de retour à Paris
1953 - 00:32 - vidéo

30% de chances de mourir

« J'avais 30% chance de me tuer, et 70% de réussir. Je crois qu'un type qui se lancerait à 6 heures de l'après midi sur la place de la Concorde et qui essaierait de traverser aurait à peu près autant de chances d'arriver vivant de l'autre côté. » Dans cette archive de 1968 présentée ci-dessous, le médecin déclarait avec confiance qu'il n'avait « jamais cru que c'était une folie. »

Il confirmait l’intérêt de son expérience : « ça a servi à quelque chose. Le sauvetage maritime a complètement été changé depuis cette époque-là. Enfin (...) nous avons fabriqué du matériel efficace qui permettent véritablement de sauver des vies humaines alors que les radeaux dans le temps ne le permettaient pas et que les radeaux maintenant le permettent. »

Son expérience le rendit célèbre et il publia un livre intitulé Naufragé volontaire. Néanmoins, quelques points noircirent le tableau. En 1958, l'une de ses expériences au large de la Bretagne, près d'Étel, fit 9 morts. Ce drame le marqua profondément. Par ailleurs, certains spécialistes le soupçonnent d'avoir truqué son exploit et notamment d'avoir emporté de l'eau potable avec lui pour sa traversée. Ce fut le cas du navigateur Hannes Lindemann qui effectua lui-même des traversées et attesta des effets néfastes de la consommation d'eau salée.

Le médecin avait complété ses expériences dans les années qui suivirent avec l'étude de la survie en mer de militaires. Dans cette archive, il était interviewé sur le sujet et les marins disaient combien leur « moral »était « bon ». 

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